Chapitre cinquième
Expériences et raisonnements des deux voyageurs
5.1
Micromégas étendit la main tout doucement vers
l'endroit où l'objet paraissait, et avançant deux doigts,
et les retirant par la crainte de se tromper, puis les ouvrant et
les serrant, il saisit fort adroitement le vaisseau qui portait ces
messieurs, et le mit encore sur son ongle, sans le trop presser,
de peur de l'écraser. « Voici un animal bien différent
du premier », dit le nain de Saturne ; le Sirien mit le prétendu
animal dans le creux de sa main. Les passagers et les gens de l'équipage,
qui s'étaient crus enlevés par un ouragan, et qui se
croyaient sur une espèce de rocher, se mettent tous en mouvement
; les matelots prennent des tonneaux de vin, les jettent sur la main
de Micromégas, et se précipitent après. Les
géomètres prennent leurs quarts de cercle, leurs secteurs,
et des filles laponnes, et descendent sur les doigts du Sirien. Ils
en firent tant qu'il sentit enfin remuer quelque chose qui lui chatouillait
les doigts : c'était un bâton ferré qu'on lui
enfonçait d'un pied dans l'index ; il jugea, par ce picotement,
qu'il était sorti quelque chose du petit animal qu'il tenait
; mais il n'en soupçonna pas d'abord davantage. Le microscope,
qui faisait à peine discerner une baleine et un vaisseau,
n'avait point de prise sur un être aussi imperceptible que
des hommes. Je ne prétends choquer ici la vanité de
personne, mais je suis obligé de prier les importants de faire
ici une petite remarque avec moi : c'est qu'en prenant la taille
des hommes d'environ cinq pieds, nous ne faisons pas sur la terre
une plus grande figure qu'en ferait sur une boule de dix pieds de
tour un animal qui aurait à peu près la six cent millième
partie d'un pouce en hauteur. Figurez-vous une substance qui pourrait
tenir la terre dans sa main, et qui aurait des organes en proportion
des nôtres ; et il se peut très bien faire qu'il y ait
un grand nombre de ces substances : or concevez, je vous prie, ce
qu'elles penseraient de ces batailles qui nous ont valu deux villages
qu'il a fallu rendre.
Capitolo quinto
Esperienze e ragionamenti dei due viaggiatori
5.1
Micromegas stese adagio adagio la mano verso il punto dove si scorgeva quell'oggetto; avanzò due dita e poi le tirò indietro temendo di sbagliarsi, poi, aprendole e chiudendole, afferrò abilmente la nave che portava quei signori e se la mise sull'unghia, senza premere troppo per paura di schiacciarla.
"Ecco un animale assai diverso dal primo" disse il nano di Saturno; il Siriano si mise il presunto animale nel cavo della mano.
I passeggeri e gli uomini dell'equipaggio, che si credevano sollevati da un uragano e posati su una specie di scoglio, si mettono in grande agitazione; i marinai afferrano le botti di vino, le gettano sulla mano di Micromegas e si buttano giù anche loro. I geometri pigliano i quarti di cerchio, i settori e le ragazze lapponi e scendono sulle dita del Siriano. Tanto fecero che costui sentì finalmente qualcosa che gli faceva il solletico alle dita: era un bastone ferrato che gli avevano conficcato nell'indice; quel pizzico gli fece pensare che qualcosa era uscito dall'animaletto che teneva in mano. Ma sulle prime non pensò più in là. Il microscopio, che gli permetteva appena di scorgere una balena e una nave, non serviva per un essere impercettibile come un uomo. Non vorrei urtare la vanità di nessuno, ma mi trovo costretto a pregare i signori che si danno importanza di fare una piccola osservazione con me: cioè, prendendo la statura di un uomo di circa cinque piedi, non facciamo sulla Terra una figura maggiore di quella che farebbe, su una palla di dieci piedi di circonferenza, un animale che avesse pressappoco la seicentomillesima parte d'un pollice di altezza. Immaginatevi una sostanza che possa tenersi la Terra in mano, e che avesse organi proporzionati ai nostri; e potrebbe darsi benissimo che ci siano numerosissime sostanze così: immaginate un poco, vi prego, cosa penserebbero di certe battaglie che ci hanno fatto guadagnare due villaggi che poi occorse restituire.
5.2
Je ne doute pas que si quelque
capitaine des grands grenadiers lit jamais cet ouvrage, il ne hausse
de deux grands pieds au moins les bonnets de sa troupe ; mais je
l'avertis qu'il aura beau faire, et que lui et les siens ne seront
jamais que des infiniment petits
5.2
Sono certo che se qualche capitano dei grandi granatieri leggerà queste righe, farà alzare di almeno due grandi piedi i berretti dei suoi soldati; ma lo avverto che avrà un bel fare: lui e i suoi non saranno mai che esseri infinitamente piccoli.
5.3
Quelle adresse merveilleuse ne
fallut-il donc pas à notre philosophe de Sirius pour apercevoir
les atomes dont je viens de parler ? Quand Leuwenhoek et Hartsoeker
virent les premiers, ou crurent voir la graine dont nous sommes formés,
ils ne firent pas à beaucoup près une si étonnante
découverte. Quel plaisir sentit Micromégas en voyant
remuer ces petites machines, en examinant tous leurs tours, en les
suivant dans toutes leurs opérations ! comme il s'écria
! comme il mit avec joie un de ses microscopes dans les mains de
son compagnon de voyage ! « Je les vois, disaient-ils tous
deux à la fois ; ne les voyez-vous pas qui portent des fardeaux,
qui se baissent, qui se relèvent. » En parlant ainsi
les mains leur tremblaient, par le plaisir de voir des objets si
nouveaux et par la crainte de les perdre. Le Saturnien, passant d'un
excès de défiance à un excès de crédulité,
crut apercevoir qu'ils travaillaient à la propagation. Ah
!, disait-il, j'ai pris la nature sur le fait. Mais il se trompait
sur les apparences : ce qui n'arrive que trop, soit qu'on se serve
ou non de microscopes.
5.3.
Che meravigliosa destrezza non dovette perciò avere il nostro filosofo di Sirio per scorgere gli atomi di cui ho parlato! Quando Leuwenhoek e Hartsoeker per primi videro o credettero di vedere la semente da cui proveniamo, fecero una scoperta assai meno stupefacente. Che piacere provò Micromegas vedendo muoversi quelle piccole macchine, esaminando tutti i loro moti, seguendole in tutte le loro operazioni! in che esclamazioni diede! con che gioia mise uno dei suoi microscopi nelle mani del suo compagno di viaggio!
"Li vedo" dicevano tutti e due insieme; "non vedete che portano dei carichi, si chinano, si raddrizzano?" Così dicendo le mani gli tremavano dal piacere di vedere oggetti così nuovi e dal timore di perderli. Il Saturniano, passando da un eccesso di diffidenza a un eccesso di credulità, si immaginò di vederli intenti nella procreazione.
"Ah!" diceva, "ho colto la natura sul fatto!".
Ma le apparenze lo ingannavano, il che capita anche troppo spesso, sia che ci si serva o sia che non ci si serva di microscopi.