4.2
Comme ces étrangers-là vont
assez vite, ils eurent fait le tour du globe en trente-six heures;
le soleil, à la vérité, ou plutôt la terre,
fait un pareil voyage en une journée; mais il faut songer
qu'on va bien plus à son aise quand on tourne sur son axe
que quand on marche sur ses pieds. Les voilà donc revenus
d'où ils étaient partis, après avoir vu cette
mare, presque imperceptible pour eux, qu'on nomme la Méditerranée,
et cet autre petit étang qui, sous le nom du grand Océan,
entoure la taupinière. Le nain n'en avait eu jamais qu'à mi-jambe,
et à peine l'autre avait-il mouillé son talon. Ils
firent tout ce qu'ils purent en allant et en revenant dessus et dessous
pour tâcher d'apercevoir si ce globe était habité ou
non. Ils se baissèrent, ils se couchèrent, ils tâtèrent
partout; mais leurs yeux et leurs mains n'étant point proportionnés
aux petits [êtres] qui rampent ici, ils ne reçurent
pas la moindre sensation qui pût leur faire soupçonner
que nous et nos confrères les autres habitants de ce globe
avons l'honneur d'exister.
4.2
Poichè quegli stranieri camminavano piuttosto svelti, in trentasei ore ebbero fatto il giro del globo; in verità il sole, o piuttosto la Terra, fa quel viaggio in un giorno; ma bisogna pensare che si va assai più sciolti girando sul proprio asse che camminando coi propri piedi. Eccoli così tornati sul posto da dove erano partiti, dopo aver visto quella pozzanghera, per loro quasi impercettibile, che si chiama "Mediterraneo", e quell'altro stagno che, col nome di "grande Oceano", circonda questa topaia. Il nano non aveva mai avuto l'acqua più che a mezza gamba, l'altro aveva appena bagnato il calcagno. Fecero gran diligenza, andando e tornando per ogni dove, per cercar di capire se questo globo era o no abitato. Si chinarono, si coricarono, tastarono dappertutto; ma poiché i loro occhi e le loro mani non erano proporzionati ai piccoli esseri che strisciano quaggiù, non provarono la minima sensazione che potesse fare sospettare loro che noi e i nostri confratelli abitanti di questo globo avessimo l'onore di esistere.
4.3
Le nain, qui jugeait quelquefois un peu trop vite, décida
d'abord qu'il n'y avait personne sur la terre. Sa première
raison était qu'il n'avait vu personne. Micromégas
lui fit sentir poliment que c'était raisonner assez mal: «Car,
disait-il, vous ne voyez pas avec vos petits yeux certaines étoiles
de la cinquantième grandeur que j'aperçois très
distinctement; concluez vous de là que ces étoiles
n'existent pas ? * Mais, dit le nain, j'ai bien tâté.
* Mais, répondit l'autre, vous avez mal senti. * Mais, dit
le nain, ce globe-ci est si mal construit, cela est si irrégulier
et d'une forme qui me paraît si ridicule ! tout semble être
ici dans le chaos: voyez-vous ces petits ruisseaux dont aucun ne
va de droit fil, ces étangs qui ne sont ni ronds, ni carrés,
ni ovales, ni sous aucune forme régulière, tous ces
petits grains pointus dont ce globe est hérissé, et
qui m'ont écorché les pieds ? (Il voulait parler des
montagnes.) Remarquez-vous encore la forme de tout le globe, comme
il est plat aux pôles, comme il tourne autour du soleil d'une
manière gauche, de façon que les climats des pôles
sont nécessairement incultes ? En vérité, ce
qui fait que je pense qu'il n'y a ici personne, c'est qu'il me paraît
que des gens de bon sens ne voudraient pas y demeurer. * Eh bien,
dit Micromégas, ce ne sont peut-être pas non plus des
gens de bon sens qui l'habitent. Mais enfin il y a quelque apparence
que ceci n'est pas fait pour rien. Tout vous paraît irrégulier
ici, dites-vous, parce que tout est tiré au cordeau dans Saturne
et dans Jupiter. Eh! c'est peut-être par cette raison-là même
qu'il y a ici un peu de confusion. Ne vous ai-je pas dit que dans
mes voyages j'avais toujours remarqué de la variété ?» Le
Saturnien répliqua à toutes ces raisons. La dispute
n'eût jamais fini, si par bonheur Micromégas, en s'échauffant à parler,
n'eût cassé le fil de son collier de diamants. Les diamants
tombèrent, c'étaient de jolis petits carats assez inégaux.
dont les plus gros pesaient quatre cents livres, et les plus petits
cinquante. Le nain en ramassa quelques-uns; il s'aperçut,
en les approchant de ses yeux, que ces diamants, de la façon
dont ils étaient taillés, étaient d'excellents
microscopes. Il prit donc un petit microscope de cent soixante pieds
de diamètre, qu'il appliqua à sa prunelle; et Micromégas
en choisit un de deux mille cinq cents pieds. Ils étaient
excellents; mais d'abord on ne vit rien par leur secours: il fallait
s'ajuster. Enfin l'habitant de Saturne vit quelque chose d'imperceptible
qui remuait entre deux eaux dans la mer Baltique: c'était
une baleine. Il la prit avec le petit doigt fort adroitement; et
la mettant sur l'ongle de son pouce, il la fit voir au Sirien, qui
se mit à rire pour la seconde fois de l'excès de petitesse
dont étaient les habitants de notre globe. Le Saturnien, convaincu
que notre monde est habité, s'imagina bien vite qu'il ne l'était
que par des baleines; et comme il était grand raisonneur,
il voulut deviner d'où un si petit atome tirait son mouvement,
s'il avait des idées, une volonté, une liberté.
Micromégas y fut fort embarrassé; il examina l'animal
fort patiemment, et le résultat de l'examen fut qu'il n'y
avait pas moyen de croire qu'une âme fût logée
là. Les deux voyageurs inclinaient donc à penser qu'il
n'y a point d'esprit dans notre habitation, lorsqu'à l'aide
du microscope ils aperçurent quelque chose d'aussi gros qu'une
baleine qui flottait sur la mer Baltique. On sait que dans ce temps-là même
une volée de philosophes revenait du cercle polaire, sous
lequel ils avaient été faire des observations dont
personne ne s'était avisé jusqu'alors. Les gazettes
dirent que leur vaisseau échoua aux côtes de Botnie
, et qu'ils eurent bien de la peine à se sauver; mais on ne
sait jamais dans ce monde le dessous des cartes. Je vais raconter
ingénument comment la chose se passa, sans y rien mettre mien
: ce qui n'est pas un petit effort pour un historien.
4.3
Il nano, che a volte giudicava un po' alla spiccia, concluse subito che sulla Terra non c'era nessuno. La sua prima ragione era che non aveva visto anima viva. Micromegas gli fece osservare garbatamente che il ragionamento non filava:
"Perché" diceva, "con i vostri occhietti voi non scorgete certe stelle della cinquantesima grandezza che io vedo assai distintamente; volete concludere perciò che quelle stelle se non esistono?" "Ma" disse il nano, "ho tastato bene." "Ma" replicò l'altro, "avete sentito male." "Ma" disse il nano, "questo globo è costruito così male, è così irregolare e di forma che mi sembra tanto ridicola! pare che ogni cosa qui sia nel caos: guardate un poco quei ruscelletti, nessuno dei quali fila via diritto, quegli stagni che non sono né tondi né quadrati né ovali, né di un'altra forma regolare; tutti quei granelli aguzzi di cui il globo è irto e che mi hanno scorticato i piedi." (Voleva dire le montagne.) "E notate anche la forma del globo, come è appiattito ai poli, come gira intorno al sole in modo goffo, cosicchè le regioni dei poli sono necessariamente incolte. Davvero, quello che mi fa pensare che qui non ci sia nessuno, è che gente sensata non ci vorrebbe abitare." "Be'," disse Micromegas, "forse non è appunto gente di buon senso che lo abita. Ma, insomma, c'è da pensare che non sia stato fatto per niente. Dite che tutto vi sembra irregolare, perché tutto è tirato a fil di squadra su Saturno e su Giove. Eh! forse è proprio per questa ragione che qui regna una certa confusione. Non vi ho forse detto che nei miei viaggi ho sempre notato una grande varietà?" Il Saturniano ribatté a tutte quelle ragioni. La disputa non sarebbe mai più finita se per fortuna Micromegas, accalorandosi a discutere, non avesse rotto il filo della sua collana di diamanti, i quali cascaron per terra: erano dei bei diamanti piuttosto disuguali, i più grossi pesavano quattrocento libbre, i più piccoli cinquanta. Il nano ne raccattò alcuni; si accorse, accostandoli agli occhi, che essi, grazie al modo in cui erano sfaccettati, erano ottimi microscopi.
Perciò prese un piccolo microscopio di centosessanta piedi di diametro e se lo applicò alla pupilla; Micromegas ne scelse uno di duemilacinquecento piedi. Erano ottimi; ma dapprima i due non videro nulla: bisognava metterli a fuoco. Finalmente l'abitante di Saturno scorse qualcosa di impercettibile che si muoveva sull'acqua nel mar Baltico: era una balena. La prese destramente con il mignolo e, mettendosela sull'unghia del pollice, la fece vedere al Siriano, che per la seconda volta scoppiò a ridere sulla piccolezza eccessiva degli abitanti del nostro globo. Il Saturniano, convinto che il nostro mondo fosse abitato, si immaginò subito che non lo fosse che da balene; e poiché era un gran ragionatore, volle scoprire da dove quel minimo atomo ricavava il movimento, e se avesse idee, volontà e libertà. Micromegas si trovò assai impacciato: esaminò con grande pazienza l'animale, e il risultato dell'esame fu che non c'era modo di credere che lì ci potesse essere un'anima. I due viaggiatori propendevano perciò a credere che non ci fosse spirito nel nostro globo, quando con l'aiuto del microscopio videro qualche cosa di più grosso della balena che galleggiava sul mar Baltico. E' noto che proprio in quel tempo un gruppo di filosofi tornava dal circolo polare, sotto il quale era andato a far osservazioni che fino ad allora nessuno aveva pensato di fare. Le gazzette riferirono che la loro nave si incagliò sulle coste della Botnia, e che si salvarono a gran fatica, ma in questo mondo non si sa mai cosa capita dietro le quinte. Narrerò semplicemente come andarono le cose, senza metterci niente di mio, il che per uno storico non è piccolo sforzo.