Chapitre troisième
Voyage des deux habitants de Sirius et de Saturne
3.1
Nos deux philosophes étaient prêts à s'embarquer
dans l'atmosphère de Saturne avec une fort jolie provision
d'instruments mathématiques, lorsque la maîtresse du
Saturnien qui en eut des nouvelles, vint en larmes faire ses remontrances.
C'était une jolie petite brune qui n'avait que six cent soixante
toises , mais qui réparait par bien des agréments la
petitesse de sa taille. «Ah! cruel! s'écria-t-elle,
après t'avoir résisté quinze cents ans lorsque
enfin je commençais à me rendre, quand j'ai à peine
passé cent ans entre tes bras. tu me quittes pour aller voyager
avec un géant d'un autre monde; va, tu n'es qu'un curieux,
tu n'as jamais eu d'amour : si tu étais un vrai Saturnien,
tu serais fidèle. Où vas-tu courir ? Que veux-tu ?
Nos cinq lunes sont moins errantes que toi, notre anneau est moins
changeant. Voilà qui est fait, je n'aimerai jamais plus personne.» Le
philosophe l'embrassa, pleura avec elle, tout philosophe qu'il était;
et la dame, après s'être pâmée , alla se
consoler avec un petit-maître du pays.
Capitolo Terzo
Viaggio dell'abitante di Sirio e dell'abitante di Saturno
3.1
I nostri due filosofi stavano per imbarcarsi nell'atmosfera di Saturno, con una bella provvista di strumenti matematici, quando l'amante del Saturniano, informata della cosa, andò tutta in lacrime a protestare. Era una graziosa brunetta che non misurava che seicentosessanta tese, ma che compensava la piccolezza della statura con varie formosità."Ah, crudele!" esclamò, "ti ho resistito per millecinquecento anni; ed ora che cominciavo ad arrendermi, che sono stata appena cento anni tra le tue braccia, mi abbandoni per andare in viaggio con un gigante di un altro mondo; vai! non sei altro che un curioso, non hai mai provato amore; se tu fossi un vero Saturniano saresti fedele. Dove sei diretto? Che cosa cerchi? Le nostre cinque lune sono meno erranti di te, il nostro anello è meno mutevole. Ormai è finita, non amerò mai più nessuno." Il filosofo la abbracciò e, per filosofo che fosse, pianse con lei; e la signora, dopo essere svenuta, andò a consolarsi con un bellimbusto del paese.
3.2
Cependant nos deux curieux partirent;
ils sautèrent d'abord sur l'anneau., qu'ils trouvèrent
assez plat, comme l'a fort bien deviné un illustre habitant
de notre petit globe ; de là ils allèrent de lune en
lune. Une comète passait tout auprès de la dernière;
ils s'élancèrent sur elle avec leurs domestiques et
leurs instruments. Quand ils eurent fait environ cent cinquante millions
de lieues , ils rencontrèrent les satellites de Jupiter. Ils
passèrent dans Jupiter même, et y restèrent une
année, pendant laquelle ils apprirent de fort beaux secrets
qui seraient actuellement sous presse sans messieurs les inquisiteurs,
qui ont trouvé quelques propositions un peu dures. Mais j'en
ai lu le manuscrit dans la bibliothèque de l'illustre archevêque
de..., qui m'a laissé voir ses livres avec cette générosité et
cette bonté qu'on ne saurait assez louer.
3.2
Nel frattemp i nostri due curiosi partirono; dapprima saltarono sull'anello e videro che era piuttosto piatto, come ha benissimo indovinato un illustre abitante del nostro piccolo globo; di lì andarono di luna in luna. Una cometa passava appunto accanto all'ultima; le saltarono sopra con i domestici e gli strumenti.
Quand'ebbero percorso circa centocinquanta milioni di leghe, incontrarono i satelliti di Giove. Passarono su Giove stesso e ci rimasero un anno, durante il quale impararono bellissimi segreti, che ora sarebbero in corso di stampa senza i signori inquisitori, che vi hanno trovato alcune proposizioni piuttosto durette. Ma io ho potuto leggere il manoscritto nella biblioteca dell'illustre arcivescovo di …, che mi ha lasciato vedere i suoi libri con una generosità e una bontà degne di ogni lode.
3.3
Mais revenons à nos voyageurs.
En sortant de Jupiter, ils traversèrent un espace d'environ
cent millions de lieues, et ils côtoyèrent la planète
de Mars, qui, comme on sait, est cinq fois plus petite que notre
petit globe; ils virent deux lunes qui servent à cette planète,
et qui ont échappé aux regards de nos astronomes. Je
sais bien que le père Castel écrira, et même
assez plaisamment, contre l'existence de ces deux lunes; mais je m'en
rapporte à ceux qui raisonnent par analogie. Ces bons philosophes-là savent
combien il serait difficile que Mars, qui est si loin du soleil,
se passât à moins de deux lunes. Quoi qu'il en soit,
nos gens trouvèrent cela si petit qu'ils craignirent de n'y
pas trouver de quoi coucher, et ils passèrent leur chemin
comme deux voyageurs qui dédaignent un mauvais cabaret de
village et poussent jusqu'à la ville voisine. Mais le Sirien
et son compagnon se repentirent bientôt. Ils allèrent
longtemps, et ne trouvèrent rien. Enfin ils aperçurent
une petite lueur: c'était la terre: cela fit pitié à des
gens qui venaient de Jupiter. Cependant, de peur de se repentir une
seconde fois, ils résolurent de débarquer. Ils passèrent
sur la queue de la comète, et, trouvant une aurore boréale
toute prête, ils se mirent dedans, et arrivèrent à terre
sur le bord septentrional de la mer Baltique, le cinq juillet mil
sept cent trente-sept, nouveau style.
3.3
Ma torniamo ai nostri viaggiatori. Uscendo da Giove, attraversarono uno spazio di circa cento milioni di leghe, e costeggiarono il pianeta Marte, che, come si sa, è cinque volte più piccolo del nostro piccolo globo; videro due lune che servono a quel pianeta e che sono sfuggite agli sguardi dei nostri astronomi. So bene che Padre Castel scriverà, piuttosto piacevolmente, contro l'esistenza di queste due lune; ma io mi riferisco a quelli che ragionano per analogia. Quei bravi filosofi sanno quanto sarebbe difficile che Marte, così lontano com'è dal sole, si accontentasse di meno di due lune. Comunque sia, i nostri lo trovarono così piccolo che temettero di non potervi trovare alloggio e continuarono la loro strada: come due viandanti che sdegnano un'osteriaccia di paese e proseguono fino alla città successiva. Ma ben presto il Siriano e il suo compagno se ne pentirono. Viaggiarono un pezzo senza trovar nulla. Finalmente scorsero un debole chiarore: era la Terra, che impietosì quei due che venivano da Giove. Tuttavia, temendo di pentirsi un'altra volta, decisero di sbarcare. Andarono sulla coda della cometa e, trovando un'aurora boreale bella e pronta, ci si sistemarono e giunsero a terra sulle rive settentrionali del mar Baltico, il 5 luglio 1737, stile nuovo.